XUAN (玄)

Dans la pratique alchimique, la tortue est associée au mystère, au secret et à l’insondable. La notion de Xuan qui veut dire « secret » ou « mystérieux » est pour moi l’un des sujets les plus intéressants de la pratique, mais aussi un sujet très glissant. C'est pourquoi aujourd’hui, je veux te partager trois points de réflexions sur ce sujet dans le cadre de la pratique alchimique.

Point de réflexion 1 : Le mouvement apprit, n’est pas le mouvement apprit. Ce point de réflexion touche à la patience dans la pratique. Je vois chez beaucoup de pratiquants la volonté de tout faire vite et rapidement. Peut-être une conséquence de l’air du temps ou Zeitgeist. Il reste que cette volonté est absolument incompatible avec une pratique profonde de l’art. Un exercice, même fondamental, comprends toujours différentes « couches » de mystère qui se découvre au pratiquant comme les pelures d’un oignon ou d’une babouchka russe. Ainsi, derrière l’essence d’un exercice que l’on a maîtrisé, se cache toujours une autre essence ou un sens plus profond. Cette essence, derrière l’essence, se montre au pratiquant seulement par une pratique constante guidée par un enseignant compétent.

Point de réflexion 2 : Le mystère sacralise la pratique.
Cette première réflexion amène le second point. L’on ne pratique pas un exercice pour le jeter par la suite et passer à autre chose comme un vulgaire chiffon sans valeur. Chaque exercice est un trésor de sagesse et d’expérience qui comprend un potentiel de transformation puissant pour le corps, pour l’esprit et pour l’âme.

Point de réflexion 3 : Cacher le sens pour protéger la pratique. Contrairement à d’autres pratiques, les arts martiaux chinois comprennent des mouvements parfois étranges et à l’aspect pratique plutôt obscure. Différentes mauvaises raisons expliquent cette situation : transmission orale, formation incomplète, manque de travail pugilistique, etc. Cependant, la raison fondamentale est que l’art de chaque école devait être gardé secret afin d’éviter de tomber entre de mauvaises mains. Ainsi, l’observateur étranger ou le pratiquant n’ayant pas été accepté comme disciple ne pouvait pas utiliser l’art efficacement. Un autre facteur est qu'un bon Gong Fu comprend souvent plusieurs « utilités » compactées dans un seul exercice ou parties d’une forme. Ces utilités pouvant être une frappe, une lutte, une saisie, une jambette, une technique de maniement d’armes, un travail de qualité d’une sortie de force et j’en passe. Ainsi, un bon professeur saura vous amener à découvrir le sens profond de ces mouvements « étranges » après que vous ayez passé un temps considérable à les polir par une pratique constante (voir les points 1 et 2).

Conclusion

Sans être exhaustif, voici quelques qualités à intégrer dans votre pratique pour en révéler le Xuan :

1. Pratiquer assidûment, avec passion et avec application l’exercice démontré par votre professeur. Même si le même exercice a été démontré différemment par un autre professeur ou élève avancé;
2. Répéter le point 1 sans attendre un retour de votre professeur;
3. Lorsque le temps est propice, votre professeur viendra effectuer des ajustements propres à votre personne. Habituellement un maximum de trois;
4. Retourner au point 1 en prenant en compte les ajustements de votre professeur sans extrapoler;
5. Continuer à pratiquer jusqu’à l’intégration de base de l’exercice et que vous êtes certains de ne plus l’oublier. Le premier signe pour un professeur de votre progrès est la mémoire de l’exercice chez le pratiquant et devoir retourner « en arrière » démontre originellement un manque de respect pour le temps que ce dernier vous consacre;
6. Ne demandez pas à passer à l’exercice suivant. Cela démontre une forme d’impatience et un manque de respect concernant la sacralité de l’exercice actuellement pratiquez par vous.

Dans une pratique purement traditionnelle, ces qualités sont considérées comme étant « Xuan » afin de tester la moralité ou l’essence de l’élève. Le professeur observe le caractère de l’élève et attend que ces qualités dans la pratique surviennent naturellement au fil du temps. L’élève qui n’applique pas ces dernières ne progressera pas et deviendra insatisfait ou amer de sa pratique. Le manquement à ces qualités mène l’élève à butiner les techniques sans les comprendre et à négliger son développement. Finalement, le message est de chérir chaque exercice comme étant un précieux trésor plutôt que miser sur la quantité.

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